Relations germano-turques
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Les relations germano-turques  

 

Le rapprochement de l'Empire ottoman et de l’Empire allemand remonte au règne d’Abdülhamid II. Dans le cadre de la modernisation de l’armée impériale, l’arrivée d’instructeurs militaires prussiens et les échanges  d'officiers entraînent la formation d’un courant pro-allemand dans les milieux politiques, et parmi les officiers de l’armée ottomane. Enver Bey, futur dirigeant du triumvirat jeune-turc après la Révolution de 1908, a ainsi été attaché militaire à Berlin. Les relations entre les deux empires s’élargissent ensuite aux domaines politique et économique, dans le cadre de la Weltpolitik (« Politique mondiale »)  de l’empereur Guillaume II, qui fait deux visites officielles dans l’Empire (1889, 1898) : la « fontaine allemande » de la place Sultanahmet a été offerte à l’occasion du voyage de 1898. La coopération militaire, la construction de voies ferrées (dont le Chemin de fer de Bagdad est le fleuron ; la gare d’Haydarpasa en était la tête de ligne sur la rive asiatique d’Istanbul), et la conclusion de nombreux accords commerciaux, auront une influence décisive dans la participation des Ottomans à la Première guerre mondiale aux côtés de l’Allemagne, analysée comme un rempart contre l’expansionnisme russe. Une des armées ottomanes est dirigée pendant la guerre par le général Liman von Sanders. Les Allemands, militaires ou civils, seront alors des témoins critiques de la déportation et du massacre des Arméniens. Nombre de dirigeants jeunes-turcs se réfugient à Berlin après la défaite de 1918.

 

Entre les deux guerres, la jeune République fait appel à des spécialistes allemands pour sa modernisation économique, urbanistique et technique. Après 1933,  Mustafa Kemal ouvre les portes des nouvelles universités turques aux universitaires et spécialistes allemands, juifs ou non, fuyant le nazisme.  Pendant la guerre, voulant garder la neutralité kémaliste, la Turquie maintient un équilibre difficile entre  la Grande-Bretagne qui la sollicite fortement, et l’Allemagne dont l’armée est à la frontière de Thrace, va approcher le Caucase, et avec laquelle elle signe un accord de non-agression. La diplomatie allemande est active à Ankara pendant la guerre, avec l’ambassadeur Fritz von Papen et l’espionnage de l’ambassade britannique (« Affaire Cicéron »). La Turquie rompt ses relations diplomatiques avec l'Allemagne en 1944 et déclare la guerre aux pays de l’Axe en février 1945.

 

Opposées à l’URSS et au bloc soviétique, la Turquie et l'Allemagne fédérale se retrouvent dans le cadre des organisations politiques et de défense occidentales : Plan Marshall et OTAN en particulier. L’accord d’immigration de 1961 amorce un flux d’immigration de travailleurs turcs vers la RFA, à l’origine de l’importante communauté turque d’Allemagne. Nombre de villes allemandes, en particulier dans les régions industrielles comme la Ruhr, mais aussi Berlin, ont des « quartiers turcs ». Ces « petite Istanbul » ou «petite Turquie » sont caractérisés par une forte densité d’associations, commerces, agences de voyages, et entreprises turques. De nombreuses organisations politiques (extrême-droite, extrême-gauche, organisations kurdes, groupes féministes et homosexuels, etc.) et religieuses (groupes islamistes radicaux), parfois plus ou moins interdites en Turquie même, y sont fortement implantées. Des Allemands issus de la communauté turque sont activement engagés dans la vie politique (députés et autres élus sociaux-démocrates et Verts), économique (entrepreneurs) et culturelle (acteurs, écrivains, actrices et réalisateurs de cinéma, créateurs de mode, etc.).

 

L’Allemagne est, de loin, le premier partenaire commercial et le premier investisseur étranger en Turquie. Après la chute du Mur de Berlin, les relations germano-turques gardent leur intensité, et l’Allemagne réunifiée gouvernée par les sociaux-démocrates et les Verts figure parmi les principaux pays soutenant la candidature turque à l’Union européenne. Les fondations allemandes sont actives en Turquie dans la promotion de la société civile et du débat démocratique. L’opinion publique allemande est pourtant l’une des plus réticentes d’Europe (avec les opinions autrichienne et française) à cette adhésion. Dans l’opposition à la tête de la CDU-CSU, Angela Merkel a fait campagne contre l’adhésion, mais pour un « partenariat privilégié ». Nouvelle chancelière dans une grande coalition droite-gauche, et assurant la présidence de l’UE au premier semestre 2007, elle adopte depuis 2006 une position plus attentiste.

 

                                                    

Jean-Paul Burdy
Mars 2007


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