4. Le régime parlementaire turc
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Depuis qu'aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, elle a mis un terme au système du parti unique kémaliste, la Turquie a toujours résolument opté pour le parlementarisme moniste. Ce type de régime politique, où le Premier ministre gouverne en s'appuyant sur une majorité parlementaire et où le Chef de l'Etat n'exerce qu'une magistrature morale, n'a pourtant pas toujours très bien fonctionné dans ce pays.

Ces dysfonctionnements furent attribués tout d'abord à des carences constitutionnelles, la première expérience de parlementarisme (1946-1960) s'étant déroulé sous l'empire de la Constitution kémaliste de 1924. Mais, la Turquie s'étant dotée d'une constitution parlementaire en 1961, les racines de ce mal persistant se sont avérées beaucoup plus profondes. Le nombre important de partis, leur absence de culture politique, leur difficulté à obtenir une majorité lors des élections et à constituer des coalitions cohérentes, ont souvent débouché par la suite sur des périodes chroniques d'instabilité gouvernementale. Ainsi, les blocages du régime parlementaire turc dans les années 60 et 70 ont été l'une des causes majeures des crises ayant entraîné les interventions militaires de 1971 et 1980.

Eu égard à ce passé malheureux, le régime politique turc actuel découle initialement en partie de la volonté de réformer le parlementarisme. S'inspirant de différentes expériences européennes, la Constitution de 1982 a ainsi renforcé de manière sensible les pouvoirs du Président de la République et, revenant au monocaméralisme, elle s'est attachée à améliorer certains mécanismes parlementaires comme la procédure d'investiture du gouvernement ou celle du vote d?une motion de censure. Par ailleurs, la loi électorale a été modifiée, d'une part, pour permettre l'élection des députés à la proportionnelle départementale, d'autre part, pour obliger les partis politiques, qui veulent avoir une représentation au Parlement, à obtenir au moins 10% des voix au niveau national. Ces dispositions n'ont toutefois pas empêché le retour des vieux démons. Si, dans les années 80, Turgut Özal a pu disposer, en tant que Premier ministre, de majorités confortables pour gouverner, dans les années 90, les élections législatives ont révélé la tendance au morcellement des formations politiques et, de ce fait, les gouvernements ont souvent eu beaucoup de mal à se constituer et à se maintenir au pouvoir.
Au cours de la dernière décennie, ces nouveaux dysfonctionnements du parlementarisme turc ont généré périodiquement des débats sur l'opportunité de nouvelles réformes, certains prônant la mise en place d'un semi-présidentialisme à la française et d'autres demandant carrément l?instauration d'un régime présidentiel. Mais de telles options, qui aboutiraient à un renforcement très important de l'exécutif, présenteraient des risques non négligeables pour la démocratie dans un pays où elle est encore fragile.

Jean Marcou
Novembre 2006

 


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