Homme politique turc (1899-1961), originaire d’Aydin près d’Izmir, il fut avec Celâl Bayar, Refik Koraltan et Mehmet Fuat Köprülü, à l’origine de la création, en 1946, du Parti démocrate, après qu’Ismet Inönü ait mis fin au régime de parti unique instauré par Mustafa Kemal, depuis les débuts de la République.
À l’issue de la large victoire de son parti sur les kémalistes du Parti Républicain du Peuple, lors des élections du 14 mai 1950, Adnan Menderes devint Premier ministre et, de nouveau vainqueur lors élections législatives de 1954 et 1957, il gouverna la Turquie pendant 10 ans. Au cours de cette décennie d’exercice du pouvoir, il assouplit le laïcisme kémaliste (restauration de l’appel à la prière en arabe, introduction de l’enseignement religieux dans les écoles publiques…) et libéralisa l’économie étatisée de la République (dénationalisations, ouverture du pays aux investissements étrangers…) tout en menant une politique étrangère très largement pro-occidentale (adhésion à l’OTAN en 1951, participation au Pacte de Bagdad en 1955…). Soutenu principalement par les campagnes, alors majoritaires en Turquie, il se heurta néanmoins de plus en plus violemment dans les villes aux intellectuels, aux étudiants et aux élites kémalistes du secteur public. Supportant peu les critiques, il fit progressivement de son gouvernement un pouvoir populiste musclé respectant de moins en moins les libertés démocratiques et les droits de l’Opposition. Cette attitude se traduisit par le développement de tensions socio-politiques permanentes ainsi que par de graves dérapages comme, par exemple, les émeutes anti-grecques d’Istanbul en septembre 1955 ou les fraudes commises lors des élections générales d’octobre 1957. À cette situation politique précaire s’ajouta une dégradation inquiétante de l’Économie (développement de l’inflation, accentuation du déficit commercial, pénurie de certaines marchandises…) qui acheva de convaincre les milieux militaires que le gouvernement démocrate menait la République à sa perte.
Le 27 mai 1960, alors même qu’un mouvement estudiantin se développait depuis plusieurs semaines à Istanbul et que les soldats commençaient à fraterniser avec les étudiants, un « Comité d’Union nationale » dirigé par le Général Cemal Gürsel et composé pour l’essentiel de jeunes officiers, venant principalement de la gauche kémaliste et de l’extrême droite pantouraniste, renversa le gouvernement. Bien que ces militaires aient rendu rapidement le pouvoir aux civils tout en permettant la promulgation d’une Constitution plus libérale que la précédente, les principaux responsables démocrates arrêtés furent jugés et condamnés. Trois d’entre eux dont Menderes furent finalement exécutés en dépit des protestations internationales.
Quelles qu’aient pu être les erreurs de Menderes, la dureté de cette sentence et son issue consternante sont désormais très largement réprouvées en Turquie. La droite libérale turque, pour sa part, s’est bien sûr employée à entretenir la mémoire de son ancien chef de file. Ainsi, le Parti de la Justice (AP) dans les années soixante et soixante-dix et le Parti de la Juste Voie (DYP) après le coup d’État de 1980 se sont successivement présentés comme les héritiers du Parti démocrate. Turgut Özal, lui-même, bien que fondateur d’une formation dissidente (le Parti de la Mère Patrie - ANAP) dans les années quatre-vingt, n’a jamais caché sa sympathie pour le Premier ministre déchu et l’a même réhabilité en lui faisant construire un mausolée sur les remparts d’Istanbul à proximité duquel il repose d’ailleurs lui-même, depuis sa mort en 1993.
Jean Marcou Décembre 2006
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