Né en 1951 à Elazig, Mehmet Agar suit la voie tracée par son père et s’oriente rapidement vers le métier de policier. Grâce à une bourse de la Direction de la Sûreté Nationale au sein de laquelle il travaille, il fait ses études à la prestigieuse Faculté de Sciences Politiques d’Ankara et, son diplôme en poche, est nommé responsable de la sécurité à la Présidence de la République. Mehmet Agar est ensuite nommé sous-préfet d’Iznik, de Selçuk, de Torul et enfin de Derince. Muté à Istanbul au sein de la Préfecture de Police, il fait l’objet –avec Sükrü Balci, Ahmet Atesli et Ünal Erkan- d’un rapport du MIT (Services de contre-espionnage turcs). Ce rapport entraîne, en 1988, sa mutation à la Préfecture de Police d’Ankara, où il a l’occasion de fréquenter de nombreux hommes politiques. C’est à ce moment-là que ce haut fonctionnaire originaire d’Elazig gagnera le surnom de « bureaucrate marguerite » (Papatya Bürokrat) en raison de sa rigueur et de sa ponctualité quand il s’agit de participer aux soirées jet-set organisées par la première dame d’alors, Semra Özal. Mehmet Agar a également mené l’enquête, qui n’a jamais abouti, sur l’attentat organisé contre Turgut Özal à cette époque-là.

En 1992, il est nommé Préfet d’Erzurum et, en juillet 1993, après l’arrivée au pouvoir de Tansu Ciller, il prend la Direction de la Sûreté Nationale. A peine nommé à ce poste, il présente au Conseil des Ministres un Plan intitulé « Le terrorisme disparaîtra en un an » destiné à anéantir les ressources financières du PKK dans les grandes villes et à renforcer les pouvoirs d’une « équipe spéciale d’action » chargé de combattre le terrorisme… Au même moment répondant à des accusations qui lui reprochent l’inefficacité de ses enquêtes sur les attentats qui ont frappé Ugur Mumcu, Muammer Aksoy, Bahriye Üçok ou encore Cem Ersever, tandis qu’il rejette les accusations de torture, Mehmet Agar se voit contraint d’admettre publiquement, à l’occasion d’une commission d’enquête européenne, que « la police n’est pas parfaite ». En outre, le « bureaucrate marguerite », qui nie systématiquement toute indulgence au sujet du trafic d’armes à Istanbul, est de nouveau confondu lorsque les inspecteurs des Mülkiye découvrent que ses services ont fourni plus de 2000 licences d’armes à des membres de la Mafia…
Après un séjour très controversé de près de deux ans et demi au sein de la Direction de la Sûreté Nationale pendant lequel le nombre de crimes non élucidés a connu une augmentation spectaculaire, il est élu député DYP en décembre 1995. Son soutien infaillible à Tansu Ciller lui vaut alors d’obtenir le Ministère de la Justice pendant le gouvernement ANAYOL (1993-96). De ce mandat, pourtant, d’aucuns ne garderont en mémoire que la grève de la faim ayant abouti à la mort de douze détenus politiques… Lorsque l’alliance REFAHYOL (1996-97) succède à l’ANAYOL au gouvernement, Mehmet Agar obtient le Ministère de l’Intérieur mais son opposition déclarée à la visite de Necmettin Erbakan en Libye le contraint à la démission. Il sera également contraint à démissionner du DYP par Tansu Ciller au moment du scandale de Susurluk qui le verra prendre la défense de l’Inspecteur de Police, Hüseyin Kocadag , ce qui conduira à la reddition d’Abdullah Çatli. Or on découvrira plus tard qu’il avait fourni à ce dernier, quelques années plus tôt, une licence de port d’armes… Le 11 décembre 1997, son immunité parlementaire lui est retiré et des poursuites concernant l’exercice de ses différentes responsabilités s’engagent contre lui. Toutefois, la Commission d’enquête parlementaire, créé spécialement pour juger l’ancien Ministre de l’Intérieur, décide de l’acquitter le 15 juin 2000.
Suite au retrait de Tansu Ciller, il a pris les rennes du DYP dont il est devenu le secrétaire général en 2002 (réélu en 2005). Lors des dernières élections législatives, avec 9,5% des suffrages exprimés, son parti n’a pas eu de représentation au Parlement. Aujourd’hui, il envisage une alliance incertaine avec l’ANAP d’Erkan Mumcu dans l’espoir de franchir lors des prochaines élections le seuil fatidique de 10% permettant de siéger à la Grande Assemblée nationale de Turquie.
Emel Kaba
Mars 2007
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