Süleyman Demirel
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Né en 1924 dans une famille modeste de paysans, à Islamköy, un village situé dans la province d'Isparta, Süleyman Demirel fait l’essentiel de ses études primaires et secondaires dans les villes d’Isparta et d’Afyon, avant d’intégrer le département d’Ingénierie de Construction de l’Université Technique d’Istanbul dont il sort diplômé, en 1949. Il séjourne ensuite plusieurs années aux Etats-Unis pour acquérir une spécialisation en matière d’hydraulique et de techniques électriques, un secteur d’avenir dans une Turquie en plein développement. De retour dans son pays, Süleyman Demirel devient Directeur du Bureau des Barrages, en 1954, puis de la Direction générale hydroélectrique de l’État, en 1955. Ayant travaillé par ailleurs pour des entreprises américaines, il sera également fort logiquement, au début des années 60, Professeur de Génie civile hydraulique à l’Université Technique du Moyen-Orient, une institution fondée quelques années auparavant, avec le soutien de capitaux américains, pour fournir des cadres techniques à la Turquie et aux pays de la région.

Sa carrière politique ne commence vraiment qu’en 1962 lorsqu'il entre dans les instances dirigeantes du Parti de la Justice (AP - Adalet Partisi) une formation de Centre droit qui apparaît à l’époque comme l’héritière du Parti démocrate d’Adnan Menderes, renversé par un coup d’Etat, en 1960. Son ascension dans ce parti est néanmoins fulgurante puisqu’il en devient le secrétaire général, deux ans plus tard, pour le conduire à la victoire aux élections de 1965 qui sont alors perçues comme la revanche des partisans de Menderes sur « l’establishment politico-militaire ». Ce succès le voit aussi devenir le plus jeune Premier ministre de la République turque qu’il va marquer de son empreinte durant les 35 années qui vont suivre.

Cette carrière au sommet de l’Etat ne sera pourtant pas de tout repos. En effet, en 1971, ses difficultés persistantes à gérer une situation politique et sociale difficile l’amène à devoir quitter le pouvoir sous la pression de l’armée pour laisser place à un gouvernement de transition. Toutefois, après la fin de l’état d’urgence et le retour à une vie politique normale, alors même que Bülent Ecevit, qui va être son grand rival à gauche dans les années 70, l’a emporté lors des législatives de 1973, il parvient à revenir à la tête du gouvernement à l’occasion d’un renversement d’alliance gouvernementale et va s’y maintenir presque sans interruption jusqu’au coup d’Etat de 1980. Renversé à nouveau par une intervention militaire, il commence alors une longue traversée du désert puisque toute activité politique lui est interdite (comme d’ailleurs aux autres leaders politiques) pendant 7 ans.

À cette époque beaucoup pensent que sa carrière politique est définitivement terminée. Pourtant après le référendum du 6 septembre 1987, qui permet de mettre fin aux interdictions politiques, il prend la tête du Parti de la Juste Voie (DYP - Dogru Yol Partisi), un nouveau parti de Centre droit, créé en 1983, qui prétend s’inscrire dans la lignée du parti démocrate et du parti de la Justice. Cela lui permet d’être élu député d’Isparta, lors des législatives de 1987. Ce retour au plus haut niveau de la politique turque le voit progressivement s’imposer comme l’un des leaders les plus en vue de l’opposition parlementaire au gouvernement de Turgut Özal soutenu par le Parti de la Mère Patrie (ANAP – Anavatan Partisi). Alors même que ce dernier est devenu Président de la République, les anciens partis politiques et leurs anciens leaders d’avant le coup d’Etat de 1980 l’emportent aux élections de 1991. Süleyman Demirel est alors appelé par Turgut Özal à former un gouvernement de coalition avec le Parti Social-Démocrate populiste (SHP – Sosyal Demokrat Hakçi Parti) d’Erdal Inönü. Ce gouvernement se donne l’ambition de ramener définitivement la Turquie à une vie démocratique pacifiée en la faisant entrer dans l’Europe.

La mort inattendue de Turgut Özal, en 1993, change la donne. Süleyman Demirel est certes aisément élu Président de la République par la majorité parlementaire qui l’avait soutenu jusqu’alors mais son départ du gouvernement fragilise la coalition gouvernementale au pouvoir tout en attisant les ambitions et les rivalités au Centre droit. Dans un contexte où la situation politique se détériore (poussée des islamistes du Refah lors des législatives en 1995, arrivée de Necmettin Erbakan à la tête du gouvernement en 1996, coup d’Etat post-moderne en 1997) le Président Demirel devient “Demirel Baba », un personnage qui rassure tant par son attachement à l’identité musulmane de la Turquie que par son souci de préserver une laïcité modérée. En nouveau père des Turcs, il acquiert ainsi enfin un statut respectable d’arbitre qui tend à l’éloigner des querelles partisanes dont il a souvent été le protagoniste. Cela n’empêche pas sa formation politique (le DYP) de connaître un déclin certain.

Il prend sa retraite à l’issue de la fin de son mandat présidentiel, en 1999, alors même que, paradoxalement, Bülent Ecevit, son vieux rival des années 70, vient de revenir à la tête du gouvernement. La boucle étant en quelque sorte bouclée, cet animal politique, issu comme Turgut Özal, de cette génération de techniciens venus à la politique dans les années 60 reste un observateur attentif et un commentateur écouté des grands débats qui agitent aujourd’hui la société turque.


Emel Kaba
Avril 2007





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